
#10 Art et Culture
Zehra Doğan : L’Art de plain-pied dans l’Histoire
21 Octobre 14h-17h – Le Roudour
Zehra Doğan est diplômée des Beaux-Arts et n’a pas fait d’école de journalisme. C’est pourtant avec trois reportages sur les femmes yézidies qu’elle obtient un prix de journalisme prestigieux comme Metin Göktepe. C’est aussi sa volonté de « sortir », comme elle le dit lors de cette distinction, qui la fait devenir cofondatrice d’une agence de presse féminine. Et c’est aussi le dessin qui prend le relais de la plume et de la caméra, quand les mots ne suffisent plus à décrire l’innommable.
Et Zehra excelle alors, tant sur sa tablette numérique, par un dessin qui va la conduire en prison, qu’avec peu de moyens, toiles, le papier journal, et même des matériaux de récupération.
Elle s’inscrit dans le présent, elle témoigne dans l’urgence, même avec ce manque de moyens. C’est chaque fois un acte de résistance… une volonté de transmission. Elle archive un réel passé sous silence, le quotidien des exactions et de l’oppression, tout autant que celui des femmes, profondément inscrit dans sa démarche. Mais ses toiles, ses œuvres sur papier, vont bien au-delà de « dessins de journaliste ». Zehra construit une œuvre picturale à part entière, pas à pas, avec et dans les conditions qui lui sont faites. L’artiste est présente à tous les stades de sa résistance.
Son œuvre atteint affectivement le public qu’il soit amateur d’art ou non. La force de son expression agit comme un gifle qui réveille, et ouvre les yeux crûment sur des vérités. Les visiteur-e-s, se questionnent, s’informent, découvrent, comprennent, et ne quittent pas l’expo indemnes.
Zehra souligne aussi : « L’Histoire est écrite par des dominants, donc elle est erronée, déformée, manquante. Par exemple, dans l’Histoire écrite de la main des hommes, le patriarcat a fait disparaître la femme de l’Histoire. Pour l’Art, c’est pareil, il faut absolument qu’on se le réapproprie… »
Peut-on classer Zehra dans l’Art contemporain ? Oui, parce qu’elle est de plain-pied dans l’histoire. Non, parce qu’elle n’en utilise pas les codes marchands, qu’elle puise en permanence dans ses racines qui font son présent, qu’elle n’est pas « hors culture », ou mondialiste universelle.
Alors inclassable Zehra ?
Intervenant-e-s :
• Gianluca Costantini | Artiste activiste et journaliste graphiste italien. « Histoire de résistance ». gianlucacostantini.com (Site censuré par Erdoğan depuis trois ans). (Italie)
• Niştiman Erdede | Artiste activiste, réfugié politique kurde. (Suisse)
• Engin Sustam | Chercheur en sciences sociales et spécialiste de l’espace kurde. Université des Beaux-arts de Mimar Sinan à Istanbul et l’EHESS. Chercheur associé à l’IFEA d’Istanbul, Paris 8. Auteur du livre « Art et Subalternité kurde entre violence et résistance ». (France)
… d’autres invité-e-s en attente de confirmation.
Modération
Mathieu Ducoudray | Directeur de Livres et lecture en Bretagne.